Ponts thermiques en re2020 : identifier et traiter ces zones critiques
L'essentiel à retenir
Les ponts thermiques sont des zones où la chaleur s'échappe plus facilement, représentant jusqu'à 26% des déperditions en logements collectifs. La re2020 impose un ratio Psi global inférieur à 0,28 W/(m².K) et un Psi9 inférieur à 0,60 W/(ml.K) pour les planchers intermédiaires. Leur traitement est indispensable pour valider le Bbio et obtenir votre attestation.
Les ponts thermiques se situent principalement aux jonctions entre parois : mur-plancher, mur-toiture, autour des menuiseries.
Introduction : pourquoi les ponts thermiques sont devenus prioritaires
Avec le renforcement des exigences d'isolation imposées par la réglementation environnementale re2020, les ponts thermiques sont passés d'un problème secondaire à un enjeu majeur. Alors que les parois courantes atteignent désormais des résistances thermiques élevées (R supérieur à 5 m².K/W), les zones de jonction deviennent proportionnellement plus significatives dans le bilan thermique global.
Ces fuites de chaleur localisées impactent directement le coefficient Bbio, peuvent provoquer des pathologies du bâti comme les moisissures, et augmentent les consommations énergétiques réelles. Comprendre leur fonctionnement et maîtriser leur traitement est devenu indispensable pour tout projet de construction neuve.
Cet article vous guide pas à pas : définition technique, exigences réglementaires, méthodes d'identification et solutions concrètes de traitement adaptées à chaque configuration.
Qu'est-ce qu'un pont thermique ?
Un pont thermique désigne une zone localisée de l'enveloppe du bâtiment où la résistance thermique est significativement plus faible qu'ailleurs. Concrètement, c'est un point faible par lequel la chaleur s'échappe plus facilement en hiver et entre plus facilement en été. La chaleur se propage naturellement des zones chaudes vers les zones froides, et aux jonctions entre éléments de construction, l'isolation peut être interrompue ou réduite.
On distingue trois grandes familles de ponts thermiques selon leur nature et leur mode de calcul.
Les ponts thermiques linéiques
Les ponts thermiques linéiques, aussi appelés ponts thermiques de liaison, sont les plus courants. Ils se produisent à l'intersection de deux parois : jonction mur-plancher, mur-toiture, ou pourtour des menuiseries. Leur coefficient Psi s'exprime en W/(m.K) et représente le flux de chaleur supplémentaire par mètre linéaire de jonction et par degré d'écart de température.
Les ponts thermiques ponctuels
Les ponts thermiques ponctuels apparaissent à la jonction de trois parois ou lors de la traversée d'un élément isolant par un élément conducteur (fixation mécanique, ancrage de balcon). Leur coefficient Chi s'exprime en W/K. Ils sont moins fréquents mais peuvent être significatifs dans certaines configurations architecturales.
Les ponts thermiques intégrés
Les ponts thermiques intégrés résultent de l'interruption ou de la dégradation de l'isolant au sein même d'une paroi. Ils sont liés à la technique de mise en œuvre et sont généralement intégrés directement dans le coefficient de déperditions surfaciques U de la paroi concernée.
Localisation des principaux ponts thermiques : plancher bas, planchers intermédiaires, toiture, menuiseries et angles.
Exigences réglementaires re2020
La re2020 reprend les exigences de moyens de la rt2012 concernant les ponts thermiques, avec deux seuils réglementaires à respecter impérativement pour obtenir l'attestation pcmi14.
Ratio Psi global : 0,28 W/(m².K)
Le ratio de transmission thermique linéique moyen global (Ratio Psi) de l'ensemble des ponts thermiques du bâtiment ne doit pas excéder 0,28 W/(m².K). Ce ratio correspond à la somme des coefficients Psi multipliés par leurs longueurs respectives, divisée par la surface de référence. En cas d'impossibilité technique justifiée (contraintes sismiques notamment), cette valeur peut être portée à 0,50 W/(m².K) sur demande du maître d'ouvrage.
Coefficient Psi9 : 0,60 W/(ml.K)
Le coefficient Psi9 concerne spécifiquement les liaisons entre les planchers intermédiaires et les murs donnant sur l'extérieur ou un local non chauffé. Cette valeur moyenne ne doit pas dépasser 0,60 W/(ml.K). Les planchers intermédiaires constituent souvent le pont thermique le plus critique à traiter en isolation thermique par l'intérieur.
Ces exigences ne sont pas de simples recommandations. Un dépassement de ces seuils rend le projet non conforme et empêche la délivrance de l'attestation re2020. Le traitement des ponts thermiques doit donc être anticipé dès la phase de conception, en collaboration avec le bureau d'études thermiques.
Identifier les ponts thermiques sur votre projet
L'identification des ponts thermiques s'effectue à deux niveaux : en phase conception lors de l'étude thermique, puis éventuellement en phase chantier pour vérifier la bonne mise en œuvre.
En phase conception
L'étude thermique re2020 intègre systématiquement le calcul des ponts thermiques. Le thermicien utilise les valeurs tabulées des catalogues Th-Bat (règles Th-U) qui répertorient les coefficients Psi pour chaque type de liaison en fonction du système constructif retenu. Pour les configurations particulières non répertoriées, des calculs aux éléments finis selon la norme EN ISO 10211 peuvent être réalisés.
Les zones à surveiller particulièrement sont les liaisons mur-plancher bas (sur vide sanitaire, terre-plein ou sous-sol), les liaisons mur-plancher intermédiaire, les liaisons mur-toiture, le pourtour des menuiseries extérieures, les angles de murs, et les seuils de portes et baies vitrées.
En phase chantier
La thermographie infrarouge permet de visualiser les défauts d'isolation et les ponts thermiques après construction. Cette technique, réalisée en période de chauffe avec un écart de température suffisant entre intérieur et extérieur, révèle les zones de déperditions par des variations de couleur sur l'image thermique. Elle complète utilement le test d'infiltrométrie pour qualifier la qualité globale de l'enveloppe.
La thermographie infrarouge met en évidence les ponts thermiques par des zones plus chaudes (en jaune/rouge) sur l'image.
Solutions de traitement des ponts thermiques
Plusieurs stratégies permettent de traiter efficacement les ponts thermiques. Le choix dépend du système constructif retenu, des contraintes architecturales et du budget disponible.
Isolation thermique par l'extérieur (ITE)
L'ITE constitue la solution la plus efficace pour traiter les ponts thermiques. L'isolant enveloppe le bâtiment de façon continue, sans interruption aux jonctions mur-plancher. Cette technique permet de réduire jusqu'à 80% des ponts thermiques structurels. Elle nécessite cependant un traitement spécifique des points singuliers : tableaux de fenêtres, soubassement, acrotères. L'ITE modifie également l'aspect extérieur du bâtiment, ce qui peut nécessiter une autorisation d'urbanisme selon le contexte.
Rupteurs de ponts thermiques
Les rupteurs de ponts thermiques sont des complexes isolants, généralement en polystyrène expansé ou extrudé, intégrés en about de dalle béton. Ils créent une rupture dans la continuité du matériau conducteur et réduisent significativement le flux thermique. Cette solution est particulièrement adaptée aux planchers intermédiaires en isolation par l'intérieur. Les rupteurs doivent être conformes aux avis techniques du CSTB et correctement dimensionnés selon les sollicitations mécaniques.
Planelles isolantes
Les planelles isolantes sont des éléments préfabriqués placés en about de dalle pour traiter le pont thermique à la jonction mur-plancher. Plus simples à mettre en œuvre que les rupteurs, elles conviennent aux configurations où les contraintes mécaniques sont modérées. Leur efficacité dépend de leur résistance thermique, qui doit idéalement se rapprocher de celle de l'isolant de la paroi courante.
Maçonneries à isolation répartie
Les blocs de béton cellulaire ou les briques de terre cuite à isolation répartie présentent des prédispositions naturelles pour limiter les ponts thermiques. Leur mode constructif spécifique, incluant linteaux, planelles et éléments d'angle adaptés, permet de réduire l'impact des ponts thermiques de 30 à 40% par rapport à une maçonnerie traditionnelle avec isolation par l'intérieur. Ces solutions globales sont couvertes par des avis techniques et simplifient la conception.
Traitement des menuiseries
Le pourtour des menuiseries extérieures constitue un pont thermique souvent sous-estimé. Le positionnement de la fenêtre dans l'épaisseur du mur influence directement la valeur du coefficient Psi. En ITE, la menuiserie doit être posée au nu extérieur ou dans l'épaisseur de l'isolant pour minimiser le pont thermique. Des précadres isolés ou des tapées d'isolation permettent d'optimiser ce raccord.
Le rupteur de pont thermique s'installe en about de dalle avant le coulage du béton pour assurer la continuité de l'isolation.
Exemples concrets et impact chiffré
Pour illustrer l'importance du traitement des ponts thermiques, voici des données issues d'études sur plus de 50 000 logements réalisées par l'association Effinergie.
Part des déperditions par les ponts thermiques selon le type de bâtiment :
En maison individuelle diffuse, les ponts thermiques représentent environ 11% des déperditions totales de l'enveloppe. Ce pourcentage monte à 19% pour les maisons individuelles groupées et atteint 26% en logements collectifs. Cette progression s'explique par le ratio surface de plancher sur surface d'enveloppe plus défavorable dans le collectif.
Prenons l'exemple d'une maison individuelle de 100 m² de surface de plancher. Avec des ponts thermiques non traités, le Bbio peut atteindre 72 points, dépassant un Bbio max fixé à 60. Après traitement par rupteurs et planelles isolantes, le même projet affiche un Bbio de 55 points, soit une amélioration de près de 24%. Cette différence représente une surconsommation annuelle de chauffage évitée de 15 à 25%.
Le coût du traitement des ponts thermiques représente généralement 4 à 6% du budget construction. Cet investissement est rapidement amorti par les économies d'énergie et, surtout, il conditionne l'obtention de l'attestation re2020 sans laquelle le permis de construire ne peut être accordé.
Impact sur le confort et la santé du bâtiment
Au-delà de l'aspect réglementaire, les ponts thermiques non traités génèrent des désordres. La température de surface plus basse aux zones de jonction favorise la condensation de l'humidité ambiante. Cette humidité crée un environnement propice au développement de moisissures, source d'inconfort et de risques pour la santé des occupants. Le traitement des ponts thermiques participe donc au confort global du logement, été comme hiver.
Conclusion et points clés à retenir
Les ponts thermiques sont devenus un enjeu majeur de la construction neuve sous re2020. Avec le renforcement de l'isolation des parois courantes, ces zones de faiblesse représentent une part croissante des déperditions totales et conditionnent directement la conformité réglementaire du projet.
Leur traitement n'est pas optionnel : le ratio Psi global de 0,28 W/(m².K) et le coefficient Psi9 de 0,60 W/(ml.K) constituent des exigences de moyens incontournables. Un projet dépassant ces seuils ne peut obtenir son attestation pcmi14 et voit son permis de construire refusé.
Les solutions existent et sont éprouvées. L'isolation thermique par l'extérieur offre le traitement le plus complet. En isolation par l'intérieur, les rupteurs de ponts thermiques et les planelles isolantes permettent d'atteindre la conformité. Les maçonneries à isolation répartie simplifient la conception en intégrant nativement le traitement des jonctions.
L'anticipation reste la clé du succès. Le traitement des ponts thermiques doit être intégré dès les premières esquisses, en collaboration avec l'architecte et le bureau d'études thermiques. Cette approche évite les mauvaises surprises en phase chantier et garantit un bâtiment performant, confortable et conforme à la réglementation.
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Antoine Maréchal